Parer une hausse des prix via l'analyse fonctionnelle et capter de la valeur grâce à la charnière Achats-Innovation
Insight 4 Mai. 2022

Parer une hausse des prix via l'analyse fonctionnelle et capter de la valeur grâce à la charnière Achats-Innovation

Lorsque la conjoncture nous met face à des hausses de prix (matériaux ou composants) hors-normes, les leviers traditionnels de réduction des coûts atteignent leurs limites. Dès lors, quelles actions mener pour préserver la marge opérationnelle ? Paradoxalement, une telle situation constitue une opportunité de remise en cause et par là-même de création de valeur, explications.

Un levier opérationnel à fort impact stratégique

En agissant, en amont, avec une approche méthodologique mobilisant l’Analyse de la Valeur, l’organisation procède à un reengineering qui, au travers de l’exploration du produit, consiste à ré-interroger les choix de conception à la lumière de l’évolution des enjeux stratégiques et économiques et de la maturité des technologies.

La démarche présentée est orchestrable en trois temps.

 

1. Agir à la maille des composants pour des gains rapides

La première étape consiste à circonscrire le péril en ciblant le périmètre technique concerné et en déterminant l’assiette de travail. Concrètement : se concentrer sur les produits « high runners ».

  1. Evaluer l’impact de la hausse des prix des composants sur le coût de revient du produit afin de déterminer l’objectif de réduction des coûts (RDC).
  2. Appliquer ensuite la loi de Pareto pour sélectionner les 20 % des composants qui constituent 80 % des coûts du produit.

N.B. : tous les composants de cet ensemble ne sont pas nécessairement impactés par une hausse. Mais la hausse des prix des composants peut éventuellement être absorbée par des réductions de coûts sur des composants qui n’ont pas subi de hausse mais dont la contribution au coût de revient global du produit est significative.

Nous l’aurons compris, se focaliser uniquement sur le facteur économique est inopérant. Il convient également et conjointement de :

  • Considérer la contribution fonctionnelle des composants ciblés (contribution à une valeur ajoutée pour le client)
  • Explorer le contexte technologique de ces composants, autrement dit :
    • à quels autres composants ils sont reliés dans l’architecture du produit ?
    • quel est le principe technique choisi qui nécessite l’emploi du composant ?

A la faveur de l’exploration simultanée de ces facteurs – économique, fonctionnel et technologique – il devient possible d’imaginer des scénarios technico-économiques alternatifs  à la conception existante du produit.

Pour ouvrir à la réflexion l’ensemble du champs des possibles, il est nécessaire de balayer les différents niveaux de remise en cause du produit, du composant à la fonction.

Au niveau du composant, nous pouvons interpeller ses caractéristiques (dimensions, matière) en questionnant le cahier des charges du produit.

  • Quels sont les valeurs de service ou niveau de performance requis ?

Bien souvent les CDC sont formulés en termes de solutions techniques et ne laissent que très peu de marge de manoeuvre. Il faut revenir à une expression fonctionnelle du besoin et questionner :

  • À quoi ça sert ?
  • Qu’est-ce qui serait suffisant ?
  • Quels sont les seuils, les valeurs critiques ?
  • Qu’exigent les aspects réglementaires ?

Passer ainsi au crible le cahier des charges à partir des composants « critiques » permet de rechercher le Juste Nécessaire et de traquer les sur-dimensionnements.

Il ne faut pas perdre de vue que le composant est en lien avec d’autres, au sein de l’architecture du produit, par des fonctions d’assemblage qui génèrent des coûts-process (soudure, sertissage, etc.). Toute modification de composant doit donc s’accompagner d’une étude d’impact sur ces fonctions d’assemblage pour pouvoir valider l’économie potentielle envisagée et vérifier notamment si les changements requis au niveau du process augmentent ou réduisent l’économie sur le composant.

En sortie d'opération, on peut envisager une réduction de la masse de matière employée ou des substitutions de matériaux pour le composant. Ces gains étant généralement relativement rapides à implémenter, ils constituent des « Quick wins » !
José Pendje, Expert Analyse de la Valeur

2. Optimiser l’architecture des sous-ensembles pour réaliser des économies techniques

En considérant les autres composants avec lequel notre composant (cible  initiale) est en contact, on peut souvent identifier une « boucle de conception » au sein d’un sous-ensemble technique. 

Cette boucle de conception est elle-même une solution qui répond à une fonction technique comme par exemple : « maintenir le composant A et le composant B ».

Une telle boucle est un indice d’optimisation potentielle. Elle correspond à « la pièce qui tient la pièce qui tient la pièce… ». En théorie, un composant, au minimum, pourrait être supprimé.

Exemple : pour maintenir A et B, on peut utiliser réaliser un trou dans A et dans B et utiliser une vis. Mais peut être pourrait-on tout aussi bien coller A et B et supprimer la vis, le boulon et l’opération de perçage de A et de B ?

Note : à l’époque où les choix qui ont déterminé la conception du produit ont été faits, il n’y avait peut être pas de solution technique plus optimum. Mais l’innovation technique est rapide et il existe depuis peut être de nouvelles solutions moins onéreuses pour rendre le même service.

Nous avons évoqué précédemment le niveau de la fonction en interpellant, à partir du composant, le cahier des charges fonctionnelles pour y rechercher le Juste Nécessaire de niveau de performance requis. Dans cette opération nous remontons de la solution technique, en l’occurrence la boucle de conception à laquelle appartient le composant ciblé vers la fonction (le service à rendre par le produit).

  • À QUOI sert cette solution technique ?
  • Quel est le Juste Nécessaire technique pour répondre à ce besoin, ou COMMENT répondre à ce besoin par le meilleur compromis technico-économique ? 

 

3. Re-qualifier le besoin client pour ouvrir des opportunités d’innovation fonctionnelle

Afin de couvrir l’ensemble des opportunités de réduction des coûts il est enfin nécessaire d’opérer la démarche « descendante » depuis la fonction vers les solutions. Nous qualifions alors avec précision la fonction pour explorer ensuite COMMENT y répondre sur le plan technique.

Ainsi nous pouvons « re-qualifier » la fonction.

  • Le niveau de performance déterminé pour une fonction correspond-il à celui réellement attendu par l’utilisateur ?
  • Abaisser le niveau de performance de cette fonction aurait-il un impact sur les ventes ou la qualité perçue ?
  • De quelle économie cette révision fonctionnelle serait elle assortie ?

Parfois la validation de la fonction amène à se poser la question de son obsolescence. Il est peut être opportun d’abandonner une fonction qui n’apporte plus de véritable valeur ajoutée au produit (les économies alors réalisées sont considérables).

A contrario, imaginer proposer une nouvelle fonction pourrait permettre de réévaluer le prix de vente à la hausse.

Certaines fonctionnalités à forte valeur ajoutée n’engagent qu’un coût de revient réduit là où d’autres fonctionnalités dont la valeur perçue par le client est moindre engagent des coûts importants (c.f. Kano, Ocean Bleu). La possibilité d’augmenter le prix de vente ou le volume de vente en maintenant le coût de revient à l’identique permet d’augmenter le résultat opérationnel.

Les mutations que traversent nos sociétés ont généré de nouvelles attentes  consommateurs.

De nouveaux usages apparaissent et avec eux, de nouvelles valeurs émergent, sur lesquelles, il devient opportun de s’aligner. Le cahier des charges du produit s’en trouve “augmenté” et gagne à intégrer, au-delà de l’objectif “qualité/prix”, de nouvelles fonctions dites “RSE” ou, liées à la transition numérique, de “connectivité”.

La possibilité de substituer un composant par un composant plus “durable” (recyclable, non polluant) pourra conférer au produit une valeur ajoutée indéniable aux yeux du client et constituer un avantage concurrentiel significatif. Paradoxalement, nous pourrions être amenés ici à substituer un composant par un composant plus onéreux mais dont le surcoût serait largement amorti par un prix de vente supérieur et l’acquisition de parts de marchés supplémentaires. Nous voyons ici comment notre approche intègre une dimension d’éco-conception et remanie la distribution de la valeur dans l’architecture du produit. 

Ne perdons pas de vue que notre effort de réduction des coûts vise à préserver la marge. A ce titre, la recherche d’opportunités de création de valeur susceptibles d’augmenter la marge constitue également un levier pour parer la hausse des prix des composants. 

Remonter au niveau des fonctions permet de prendre de la hauteur et d’envisager des principes technologiques alternatifs – innovation technologique – pour répondre au service à rendre. On substitue alors un nouveau principe au principe technique utilisé initialement. Si l’implémentation d’une telle substitution ne peut pas toujours s’envisager à court terme (du fait de tests de validation ou modification du process nécessaires etc.), elle constitue néanmoins souvent une économie ou un gain de rupture conséquente.

Une démarche d’innovation fonctionnelle peut également répondre à la problématique inflationniste : augmenter la marge du produit est une possibilité pour absorber la hausse des prix des composants.

Retour sur investissement

Si la démarche d’Analyse Fonctionnelle ne permet pas nécessairement de compenser entièrement la hausse des prix des composants à court terme, elle y parvient assurément à moyen terme, car les économies ou les gains acquis, sont « durables », car inscrits dans l’architecture même du produit.

Trois pré-requis pour la mise en oeuvre

  1. Une initiative émanant de la direction générale ou d’une fonction ayant des prérogatives transversales (direction achat, contrôle de gestion, programme de performance économique)
  2. La possibilité de mobiliser au sein d’une dizaine de workshops les principales parties prenantes concernées par la performance technique, économique et fonctionnelle du produit (BE, R&D, Marketing, Achat)
  3. Un expert Analyse de la Valeur pour animer la méthodologie et orchestrer la démarche

 

Les bénéfices attendus

Au-delà de l’appui méthodologique, l’approche permet d’impulser un état d’esprit au niveau des équipes : apprendre à mieux réagir face à l’adversité, s’ouvrir à la remise en question, dépasser les a priori, rationaliser les débats et documenter les points de vue.

C’est une façon de faire face à l’obstacle et d’avoir le courage d’envisager collectivement toutes les options possibles pour parvenir à le dépasser.

C’est aussi une démarche qui favorise le décloisonnement des métiers de l’entreprise et développe l’agilité par la collaboration transverse. 

  • Résultats constatés sur nos missions de RTC : 15 à 30 % de réduction des coûts sur la BOM.

 

 

Auteur

BUSINESS CASE

Réduire les coûts et accroître la performance produit d’un fabricant de grues et engins de levage

Notre client, un fabricant de grues à montage par éléments souhaite réduire les coûts d’acquisition et de fabrication des chariots tout en en optimisant la performance. KEPLER accompagne les chefs de projets dans l’animation de chantiers d’Analyse de la Valeur et l’animation des charnières métiers de façon à tirer le meilleur parti des expertises individuelles et permettre l’exploration de nouveaux gisements de valeur.

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