Électromobilité : une opportunité pour les acteurs du secteur et les métiers qui réussiront leur mutation
Depuis plus de deux ans, nos sociétés sont confrontées à une succession de crises, qu’elles soient sanitaires, liées aux ruptures d’approvisionnement de composants critiques et plus récemment énergétiques, aucun dirigeant ne s’attend désormais à un retour à la normalité passée. La gestion des crises est devenue la norme face à un contexte durablement volatile et incertain touchant une multitude de dimensions internes et externes à l’entreprise.
Ce changement d’ère provoque cependant aussi de nouvelles opportunités. Dans le domaine de la mobilité au sens large, même si plusieurs transformations s’entrecroisent et s’accélèrent, comme la digitalisation, la responsabilisation sociale et environnementale, les nouveaux usages de la mobilité… une seule véritable révolution technologique opère en toile de fond : l’électrification. La refonte de l’urbanisation des villes et notre approche des moyens de transports, de nos besoins quotidiens relèvent, en effet, aujourd’hui, plus d’un changement de paradigme énergétique que de tout autre chose.
En regardant de plus près les impacts et les changements que cela génère dans l’industrie de la mobilité, en particulier l’automobile, on constate que l’électrification disrupte toute la chaine de valeur et remet en cause les modèles établis des fonctions opérationnelles de l’entreprise, depuis la R&D jusqu’au commerce, en passant par les Achats et la production.
« Le secteur de la mobilité au sens large se disrupte avec l’électrification de son produit, de ses pratiques et l’apparition de nouvelles fonctionnalités qui challengent les modèles établis. Au-delà de la contrainte au premier regard, nous faisons face aux plus belles opportunités de création de valeur de ces cinquante dernières années pour les entreprises qui réussiront leurs mutations stratégiques mais également opérationnelles. Au niveau sociétal, la nécessité de la mobilité propre impose l’électrification qui, face à la crise énergétique des prochaines années, impose la sobriété ! La contrainte est un vecteur d’innovation et de progrès sans limite »Sebastien Grilli, Directeur associé
L’Asie se positionne pour capter plus de valeur ajoutée
Autrefois simple usine du monde, la Chine (et plus largement l’Asie) est devenue un centre majeur de développement de nouvelles technologies, notamment avec les BAT (Baidu, Alibaba, Tencent), mais aussi sur le domaine énergétique et celui du stockage avec les batteries lithium-ion.
Fort de ces développements, l’amont de la chaine de valeur de l’industrie automobile voit aujourd’hui l’émergence de nouveaux entrants asiatiques. Le géant chinois Build Your Dreams (BYD), spécialiste des PC et des smartphones, s’impose dans la fabrication de véhicules électriques avec des batteries fabriquées en interne et commence sa marche vers l’Ouest en dévoilant récemment sa stratégie d’introduction de 3 modèles électriques sur le marché Européen.
Plus globalement, l’émergence d’une concurrence accrue à différents niveaux de la chaine de valeur se trouvera encore plus facilitée et accélérée par l’arrivée de ces acteurs asiatiques proposant la conception, l’industrialisation et la production de tout concept marketing ou nouvel objet de mobilité.
À Taïwan, c’est Foxconn, le fabricant des iPhone qui vise ouvertement 5% de parts de marché en sous-traitance des véhicules électriques pour d’autres marques. Petit à petit mais de façon certaine, on voit émerger dans l’industrie automobile des acteurs provenant de l’industrie des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) pensant le véhicule automobile comme un smartphone sur roues…
La R&D, coeur du réacteur Automobile, doit être encore plus stratégique, ouverte et long terme qu’auparavant
Alors que les investissements dans la R&D de l’industrie automobile européenne avoisinent les 55 milliards d’euros, la course à l’innovation dans le domaine de l’électromobilité continue d’être plus prégnante et foisonnante. Les R&D des grands groupes automobile et de leurs sous-traitants, toujours plus stratégiques pour les entreprises, se voient confrontés à la nécessité de sélectionner, parmi un choix toujours plus vaste, les bonnes solutions technologiques d’avenir. Par ailleurs, leur développement requiert des nouvelles compétences qui sont bien souvent très difficile à acquérir. La réussite des différents volets de la transition énergétique passe, avant tout, par la formation et l’évolution des compétences et des états d’esprit.
Une anticipation concrète et rapide des nouveaux besoins et des métiers de demain est la principale clef de réussite de la transition écologique. Lorsque le développement en interne n’est pas possible ou trop couteux, la R&D doit continuer à s’ouvrir davantage et faire avec un nouveau réseau de partenaires, souvent localisés dans des écosystèmes dans lesquelles elle est historiquement peu présente. Ces écosystèmes sont aussi autant d’opportunités pour la R&D de re-connecter avec les utilisateurs ou les utilisateurs précurseurs qui sont de plus en plus au coeur des processus de conception en amont.
Par ailleurs, depuis de nombreuses années, l’industrie automobile a poussé toujours plus loin le concept de plateformes et de modularisation : faire de la voiture un jeu de lego pour accélérer et diminuer le cout de sa conception.
L’électrification, en soi, pousse ce concept à de nouvelles frontières, au point de risquer ce qui est arrivé à l’industrie des PC, à savoir la massification du secteur entrainant la disparition de nombreux acteurs, l’installation de méga-assembleurs toujours plus puissants, dans une industrie où ne survivraient que les marques les plus fortes ayant su développer la « performance de l’expérience utilisateur ». Car bien au-delà de la performance du produit, c’est bien cette performance expérientielle qui fera la différence : l’utilisation d’un véhicule qui pourra se mettre à jour en continue, rétrofiter des composants devenus obsolètes, s’adapter aux usages de son utilisateur…
« Le secteur automobile et plus largement celui de la mobilité est en profonde mutation. C’est un moment critique pour innover en se focalisant sur des solutions durables répondant aux besoins de liberté des utilisateurs. Mais le contexte économique est contraint, ce qui force à devoir faire les bons arbitrages entre exploitation du core business et capacité à explorer de nouveaux horizons. Il faut donc savoir habilement expérimenter de nouvelles voies et si elles s’avèrent bonnes les déployer à grande échelle.»Gregory Blokkeel, Directeur